Le loukoum, c'était l'invention du démon. La pierre philosophale de la cuisine, celle qui pouvait, à n'importe quel plat, ajouter suffisamment de sucre pour vous donner une violente crise de diabète et vous laisser dans un coin de la pièce, plié en deux à vous tenir l'estomac en jurant de ne plus jamais ingérer une seul dose de sucre.

Mais Sadiq était un warrior. Un vrai. Un dur. Et le loukoum qu'il tenait négligemment entre ses lèvres pendant qu'il s'habillait ne faisait que confirmer que son estomac était bien accroché. Pourtant, il n'avait jamais goûté la cuisine anglaise. Et au fond, il n'en avait pas envie. Pas par réputation, mais tout ce qui n'était pas ottoman, m'voyez, c'était du caca en boîte - en conserve certains auraient dits, mais la conserve ça existait pas à l'époque.

Il plaça son masque bien comme il fallait, dissimulant son regard à la vue de tous, lui conférant cette aura mystérieuse qu'il n'utilisait que trop bien pour effrayer ses adversaires, les entendre dire "Oh mon dieu, c'est l'empire ottoman, le boss de la mer méditerranée, celui qui fait peur au petits enfants, le pedobear international". Il était beau, il était grand, il était fort. Que de mieux pour ze master of ze méditerranée ? - Sadiq pour les intimes, quand même.

Et pourtant, tout le monde n'était pas de cet avis. Parce qu'il y avait ce petit machin, là, qui devait faire deux tête de moins que lui, et qui clâmait "ouiiii m'voyez c'est moi le big boss de la méditerranée". Et il y avait des cons pour y croire en plus, et remettre en cause la suprématie ottomane. Les fous, les ingénus. Ils étaient trop candides, pas assez voltaires - HUMHUM elle est bien bonne, hommage au barbichu.

Toujours était-il qu'un énorme problème s'imposait. Plus qu'énorme, gravissime, gigantesque, gargantuesque - ma liste de vocabulaire s'épuise - c'était de prouver à tous qu'il n'y en avait pas, de problème. Que le boss, le vrai, c'était l'empire ottoman et que la question ne se posait même pas. Et que c'était pas parce qu'une demi-nation venait lui tirer dans les pattes qu'il allait s'écrouler en s'avouant vaincu. Nan mais.

Alors il l'avait invité, poliment, à venir en discuter chez lui. Lui faire admettre que "oh, je suis ton aîné, tu fermes ta gueule et tu suis mes directives, poussin". Il s'était vautré sur ses coussins, avait allumé un narguilé - hum parfum cerise mon préféré - et se le fumait tranquillement en attendant Godo l'Espagne.

Il n'était pas inquiet. Pas le moins du monde. Il savait que de toute manière il inspirait tellement de crainte dans toute l'Europe pour que l'Espagne sache se tenir et ne pas le contrarier - même si au fond, il en fallait, pour le contrarier. Bon d'accord pas tant que ça. Chut.

Donc il n'y avait pas grand chose à faire. A part rester avachi dans ses coussins comme un pacha, l'écouter blablater, se lever pour le prendre de haut et lui déclarer qu'il était le boss, il avait la vie tranquille.

La seule chose, c'était d'arriver à garder son calme face à lui. De ne pas lui montrer qu'au final, l'empire Ottoman n'était peut-être pas si terrible que les rumeurs le laissait croire. Que là où son cheval passait, il arrivait à l'herbe de repousser et que toutes les horreurs proclamées n'étaient peut-être que le fruit de l'imagination ottomane, qui aimait beaucoup qu'on parle de lui au final.

Et oui. Il n'avait que ça à respecter.

Challenge accepted.

Spoiler: