Vêtu d'un simple fin pull bleu glacier, Matthew frissonnait, serrant un dossier d'un jaune délavé contre sa poitrine. Recroquevillé ainsi, il tentait d'échapper au bourrasques violentes du libeccio et protéger les feuilles ô combien importantes que contenait le dossier : un nouvel élève avait été reçu à l'école des arts. Et pas n'importe lequel ! Non seulement était-il le tout premier élève reçu dans l'établissement, mais il était aussi un artiste très prometteur. Ses points forts, selon les papiers qu'avait reçu Canada, étaient la sculpture, la céramique, et l'architecture, la musique, et le théâtre. Rien qui ne soit enseigné dans cette école... Après réflexion, le co-directeur en tira la conclusion que Grèce voulait développer de nouveaux, pour affirmer sa polyvalence artistique. Le vent se calmant un peu, Canada décida d'ouvrir le dossier pour voir quelles matières avait choisi l'artiste : dessin et littérature, première année. Le blondin se réjouit, il se verraient sûrement puisqu'ils s'étaient inscrits dans les mêmes matières et étaient dans la même année ! De plus, la photo d'identité, sur le formulaire d'inscription, inspirait confiance.
Canada était soulagé, l'école commençait enfin à prendre vie, et toutes les personnes qu'il avait jusqu'ici rencontrées étaient sympathiques. Finalement, il arriverait peut-être à s'intégrer. Le blondin s'assit sur les bords de la fontaine, se relaxant au rythme du clapotis de l'eau claire qui coulait et s'endormant presque sous les caresses des chaleureux rayons de lumières.

     « Miaou~ »

Un chat ? Les yeux mi-clos de Matthew s'ouvrirent pour tomber sur un joli chat écaille-de-tortue à poils longs — le type de chat qu'il préférait... avec tous les autres types, en fait. Pour l'apprivoiser, Canada tendit doucement ses doigts vers le nez du chat qui, peu sauvage, vint frotter allègrement son front contre le dos de la main tendue d'un ronronnement sonore. Canada se sentit devenir gaga pour l'animal qu'il trouvait absolument adorable lorsque le bruit de pas nonchalants contre le fin gravier parvint à ses oreilles. Levant la tête, il aperçu un beau jeune homme qui s'approchait de lui, ralenti par le poids des chats qui avait élu domicile sur ses deux épaules, le sommet de son crâne, et son bras gauche. Le co-directeur reconnu tout de suite le nouvel élève dont il venait de relire le dossier, malgré quelques petits changement vestimentaires — on passait du débraillé en costume class au débraillé en Tee-Shirt négligé. Et il avait l'air bien plus endormi que sur la photo aussi. C'était donc là l'élève très prometteur qu'il languissait tant de rencontrer ? Matthew pouvait se sentir à l'aise auprès de ce jeune homme visiblement affable.

     « Bienvenue à l'école des arts, » salua, guilleret, le professeur. « Tu es Héraclès, je suppose ? »

Spoiler:

Sur le pas de la porte, Heracles attendait, hésitant, osant à peine mettre le bout du nez dehors. Habitué au vent chaud et salin de la Méditerranée, cette brise glaciale lui fit l'effet d'une douche froide franchement désagréable. Un frisson le parcouru en entier, faisant dresser le poil de ses bras maintenant nus, puisqu'il venait de troquer son uniforme contre un simple T-shirt blanc. Heureusement, il n'avait pas perdu sa capacité à attirer les félins en tout genres, et ceux-ci s'étaient justement blottis sur la partie supérieure de son corps, comme pour le réchauffer grâce à leur épaisse fourrure. À cette pensée, une soudaine bouffée de courage le saisit, et il se décida enfin à faire un pas à l'extérieur.

Il aurait préféré faire une sieste pendant cette première période libre qu'il avait à l'horaire, et c'est d'ailleurs ce qu'il allait voulu faire... Mais pendant qu'il gravissait péniblement les étages qui le séparaient de sa chambre, il s'était, comment dire, assoupi. Pas longtemps, sinon il serait tombé à la renverse. Mais juste assez pour laisser s'échapper un de ses nouveaux compagnons, un chat aux couleurs plutôt intéressantes, de ses mains ramollies par le sommeil.
Et c'est ainsi, en essayant de le retrouver, qu'il se retrouva exposé à la morsure impitoyable du vent.

Heracles se promena un peu aux alentours, cherchant vaguement du regard le minet perdu. Ne le trouvant pas, il s'égara un peu vers les jardins de l'Académie, puis se mit à s'attarder sur la joliesse de celui-ci. Hum, un magnifique endroit pour dormir, lors d'un climat plus doux. Alors qu'il inspectait les lieux d'un oeil distrait, il retrouva le petit angora sagement assis près d'une cascade d'eau fraîche. Il s'avança alors vers lui, sans hâte ni précautions, sachant pertinemment qu'il ne s'enfuirait pas face à son approche. Mais lorsqu'il vit un jeune homme près de lui, cajolant le petit animal, il se frotta les yeux, qu'il pensait peut-être embrumés par le sommeil. Hé non, il y avait bel et bien quelqu'un... Étrange qu'il ne l'ait pas remarqué avant. Enfin, il crut aussi avoir du mal à l'entendre, il faillit même faire répéter le petit blondinet lorsqu'il l'apostropha d'une voix à peine audible, mais néanmoins enjouée.

«Oh, oui... c'est moi, répondit-il d'un ton naturellement lent et grave, merci beaucoup... Hum... Et vous, vous êtes? Est-ce que-vous êtes nouveau, vous aussi?»

Il s'assit lourdement aux côtés de son interlocuteur, un peu fatigué d'avoir tant marché, et entreprit lui aussi de caresser d'une main habituée les poils longs et soyeux du chaton retrouvé.

Spoiler:

Le grec acquiesça de sa voix suavement nonchalante, le remerciant avant de lui demander qui il était avant de s'assoir lourdement à côté de lui sur les rebords de la fontaine.

     « Oh, je suis Matthew Williams, professeur dans cette école. Mais je suis aussi élève, on a des cours en commun d'ailleurs, » se dépêcha de répondre le blondin qui n'avait pas pensé à se présenter. « Et je suis aussi le co-directeur. »

Héraclès ne répondit pas tout de suite, occupé à caresser le chat retrouvé. Un air pensif affiché sur son visage pour cacher son envie de dormir, il resta un moment silencieux avant de marmonner une interjection approbatrice en levant les yeux vers le ciel bleu et dégagé. Canada essaya de deviner ce que pensait le garçon, mais non seulement son expression faciale était immuablement endormie, mais en plus les chats somnolents sur ses épaules et sa tête gênait sa vision. Et le petit chat écaille-de-tortue était entrain de s'ajouter en se lovant, ronronnant de bonheur, sur les jambes du grec.

     « Ils ont l'air de beaucoup t'aimer, » remarqua Canada, réussissant à faire tourner le visage d'Héraclès vers lui.

Ce dernier dévisagea le professeur pendant quelques secondes qui parurent infinies aux yeux du canadien qui virait au cramoisi, avant de lui offrir de caresser un des chats, voire d'en prendre un s'il avait froid. Matthew n'avait plus froid, il était habitué à des températures plus basses que celles-ci et le vent s'étant calmé, le soleil l'avait entièrement réchauffé. Mais il ne refusa pas l'offre de l'endormi et s'approcha de quelques centimètres pour caresser du bout des doigts le chat assis sur l'épaule qui lui était la plus proche, provoquant un ronronnement instantané chez le félin.
Matthew se demanda si les chats étaient à Héraclès, ou s'ils étaient de simples chats trouvés. En effet, le règlement revint à la mémoire du co-directeur, et les animaux étaient formellement interdits dans les chambres. Les chats feraient-ils exception ? Après tout, le propriétaire des lieux était lui aussi... un cousin de ces adorables félidés !
Avant de commencer à imaginer sa plaidoirie pour permettre une exception, Matthew devait demander ce qu'il en était à l'aimant à chats.

     « Ces chats... Ils sont à toi ? »

Spoiler:

Lorsque le dénommé Matthew se présenta à lui, Heracles prit un moment pour enregistrer l'information. En effet, il lui sembla tout à fait extraordinaire d'exercer autant de tâches pour une seule et unique personne, surtout qu'il avait l'air plutôt jeune. Sur son visage tomba un voile impassible et calme, tandis qu'il examinait d'un air pensif le jeune homme à ses côtés.

Oh, certes, il n'avait pas une présence extraordinaire, il était probablement du type "discret", qui préfère écouter d'un oreille timide que de parler et s'affirmer. Son visage bienveillant et sa carrure loin d'être imposante ne l'aidaient sûrement pas en ce sens. Mais voilà, c'est justement ce genre de personne qu'Heracles affectionnait. D'apparence dépourvu de méchanceté, il serait sans doute un camarade de classe fort respectable, avec qui il pourrait se distraire sans embrouilles et discuter posément d'art et lettres.

Oui, sans aucun doute, ce petit bout d'homme ferait une excellente fréquentation. Il ne pu s'empêcher de marmonner ces dernière conclusions, yeux vers le ciel, comme s'il attendait l'approbation de ceux qui y résident.
C'est alors qu'une voix timide l'arracha de ses pensées, passant un commentaire sur les quelques chats qui les entourent.

Ne sachant pas quoi répondre, il fixa le visage rougeoyant de son futur compagnon. Que pouvait-il répondre à ça? Un simple «oui» paraîtrait assez désuet, surtout face à quelqu'un avec autant de prestance. Il haussa les épaules et se contenta de juste éviter un silence peu invitant.

« Ils sont très sociables.... »

Il pointa du doigt un chaton qui semblait particulièrement docile, et proposa à Matthew de le caresser, et même de le prendre dans ses bras. Sûrement avait-il aussi froid que lui, sinon plus, après tout, qui pourrait supporter des températures aussi basses sans broncher? Les chats sont si douillets, il se réjouissait de faire connaître ce petit plaisir à sa nouvelle connaissance.

Lorsqu'il lui demanda si tous ces chats étaient à lui, il ne put retenir un petit rire amusé.

« Oh, non... je ne pourrais pas en transporter autant sur moi tout le temps, j'en connais beaucoup plus... Presque trop, même. Mais j'aimerais bien les garder avec moi, ces petites bêtes... Ceux-là traînaient aux alentours, et je n'ai pas pu les empêcher de me suivre.... Est-ce que c'est une nuisance? s'inquiéta-t-il.»

Spoiler:

Effectivement, au vu du nombre de chats errants qui recouvraient son interlocuteur, il devenait évident qu'ils ne pouvaient pas tous lui appartenir. Suivant l'angle sous lequel il le voyait, c'était à peine si on pouvait apercevoir son visage. Et les finances du jeune homme n'aurait sûrement pas suffit à supporter le coût financier de ce tas de félins dont le ronronnement général couvrait presque les bruit même que faisait le vent.

« Aucun problème, non... » répondit le canadien dans un sourire.

La communication, c'était un art qu'il ne maîtrisait pas. Un peu plus, et il parlait de règlement, ce qui l'aurait placé direct dans la catégorie des « binoclards ennuyeux », et là, il pouvait dire adieu à ses projets d'amitiés avec le grec. Mais une réponse aussi courte, ça pouvait aussi paraître sec. Il fallait rajouter quelque chose, une parole aimable, un truc, vite ! Proposer de la glace ? Non, pas avec ce temps !
Vraiment, rien ne venait à l'esprit de Matthew, qui se mis à sourire bêtement dans le vide pour tenter de cacher une agitation naissante. Un gros silence s'en suivit, le blond et le brun attendant que le temps passe malgré le froid qui venait leur glacer le sang.
Le pire, c'était qu'Héraclès ne semblait pas plus préoccupé que ça. Une idée horrible traversa l'esprit du canadien : peut-être qu'il attendait seulement que Matthew le laisse tranquille, mais qu'il ne pouvait pas lui dire car il était le co-directeur ?! C'était sûrement ça... Comme pour confirmer l'ennui que générait la seule présence du jeune homme, le chaton sauta hors de ses bras pour se rajouter à la couverture féline du grec.

« Hum, je ne vais pas t'ennuyer plus longtemps, je retourne dans l'école », annonca Matthew, le regard désespérément sombre malgré l'entrain qu'il feignait, « Au plaisir de te revoir ! »

Alors qu'il se retournait, une dernière bourrasque de vent le propulsa par terre et lui égratigna l'ahoge. La vie de co-directeur commençait bien.

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