C’était une température pour le moins douce pour un mois de juin, et pourtant, l’atmosphère était très loin de l’être. Il y avait des tensions depuis un an dans le pays, et cela n’allait pas en diminuant. Yao était assis sur l’un des quais de Canton et regardait les navires britanniques essayer d’accoster. C’était peine perdue, mais il admirait la détermination que ceux-ci avaient. Ce n’était que le « réel » début de la guerre pour le commerce de cette herbe médicinale qui était tout à coup devenu une drogue pour lui. Cette drogue que l’on appelait l’opium. Il n’arrivait pas à comprendre comment on pouvait se livrer bataille pour une aussi petite chose. Toute cette histoire à cause d’un refus. Refus qui n’avait pas plu aux dirigeants britanniques, et voila où on en était. Comment une bonne relation avait-elle pu être réduite à néant pour une herbe… non une drogue, parce que le thé n’avait pas à être mis dans le même panier que l’opium. D'ailleurs, il en prendrait bien un thé, il irait le prendre avec les pandas. Ça lui changerait les idées, il n’avait pas envie de penser aux morts qu’il y aurait à la fin, et surtout pas à la conclusion que cette guerre prendrait.

Chine était là et un minuscule sourire se dessina en voyant les navires couler lentement. Le piège avait fonctionné, mais la menace n’était pas pour autant éloigné, il le sentait. La milice protègerait la ville, mais pour ce qui était du reste… C’est là que son attention fut attirée par une tête blonde. Il était presque certain de savoir de qui il s’agissait, c’était probablement l’homme qui avait fait pression sur ces hommes assis à leurs bureaux. Pour être tout à fait franc, il savait exactement qui c’était. Il l’avait converti aux effets bienfaisants du thé. Pour cette ancienne amitié, il pouvait bien ne pas le laisser à la merci des soldats qui s’occupaient de tuer les rescapés. En y réfléchissant était-ce vraiment une bonne idée, rah il n’était pas certain… peut-être abuserait-il de sa gentillesse… Il se leva et arracha une branche de bambou assez longue. Finalement, il la tendit vers l’homme dans l’eau et lui sourit ne se voulant aucunement menaçant. C’était à lui de voir s’il restait dans la flotte ou non.

« Yīngguó*… attrapez la branche! »

Il se mordit la lèvre, il n’aurait pas dû ouvrir la bouche. Tout ça lui reviendrait à la figure éventuellement, il le sentait. Allez, on pense à autre chose! Il était en train de tenter de sauver une vie on ne pouvait pas le lui reprocher. De toute façon le futur lui dirait si cela avait été une bonne idée.

Spoiler:

Alors qu’il se résignait à couler pour échouer sur un quelconque rivage de Canton, n’ayant plus l’énergie de lutter contre le courant et pensant avec raison que peu lui importait, au final, puisque sa condition de nation lui conférait l’immortalité, son regard sinople attrapa la furtive vue d’une branche tendue, ce qui suffit tout de même à réveiller d’exceptionnels réflexes – exceptionnels, en effet, car il s’empara de cette aide avec une vivacité surprenante pour un individu auquel les forces semblaient manquer quelques instants auparavant.
Il remonta la branche jusqu’à finalement atteindre le bord, s’agrippa à ce dernier et, dans un dernier effort, s’hissa et s’allongea aussitôt sur cette terre ferme qu’il en viendrait presque à vénérer présentement, haletant et détrempé.
Ce ne fut qu’au bout d’une ou deux minutes que sa curiosité quant à l’identité de son sauveur – aussi mal que cela pouvait lui faire de l’admettre, il devait bien reconnaître qu’il devait quelque chose à cet individu, à défaut de lui devoir la vie véritablement – s’éveilla, et il se redressa pour accéder à la vision d’une figure familière.
Avec les traits fins, presque féminins, de son visage lactescent que la bienveillance ne quittait pas, même en ces circonstances ; son regard d’un noisette presqu’ambré à la chaleur tout aussi aberrante ; et sa longue chevelure d’ébène, coulant dans son dos comme une sombre rivière de soie, il lui était aisé de reconnaître Yao Wang.

De la même façon qu’une flammèche allumerait un dangereux explosif, le fait qu’il fît face à ce qu’il considérait actuellement comme un ennemi embrasa une ire sans nom, une fureur qu’excitait davantage encore l’humiliation de se montrer en perdant.
Il s’empressa de se redresser et planta ses orbes aventurine dans ceux, chocolat, du jeune homme, un dédain hargneux se lisant ostensiblement sur tout son être.

« Well, en voilà une surprise, salua t-il d’un ton fielleux. Venu admirer le spectacle, je suppose. J’en ferais sans doute de même quand on vous aura écrasé et remis à votre place. »

Il se rapprocha de son interlocuteur et le toisa, méprisant malgré sa défaite, et reprit, d’une voix plus honnête mais soudainement plus dure, tel le velours que l’on aurait brutalement retiré pour dévoiler un revolver :

« Parce que, n’aie aucun doute à ce sujet, cette guerre, on va la gagner. Et vous vous en mordrez les doigts, d’avoir osé vous opposer à l’Empire britannique. Toi aussi, d’ailleurs, je peux te le garantir. »

Cette rage de conquérant défié et moqué, bien qu’il ne fût pas question de l’une de ses innombrables colonies, étouffait le fait que l’homme qu’il menaçait lui avait tendu une branche dans le but de l’aider à se délivrer des flots.
Sans doute la guerre empêchait-elle la gratitude…

Il avait attrapé la branche, et à voir la force que l’homme avait mise pour se sortir de l’eau, il était évident pour Yao que celui-ci n’avait aucune idée de l’identité du samaritain qui lui avait offert son aide. Mais ça n’avait pas d’importance, il était simplement content qu’Arthur soit maintenant sain et sauf. Que dirait-il lorsque leurs regards se croiseraient? Il ne s’attendait pas du tout à recevoir un quelconque signe de gratitude, il l’avait fait pas pure bonté d’âme, et ce, même si la situation dans laquelle ils se retrouvaient ne laissait pas vraiment place à la gentillesse. L’Asiatique resta près du rescapé attendant qu’il reprenne ses esprits. Il n’avait jamais laissé personne dans le besoin, et il ne commencerait pas aujourd’hui. Un sourire bienveillant étira ses fines lèvres. Le jeune homme blond semblait se porter plutôt bien, c’était rassurant… si l’on pouvait dire cela.

Wang se recula un peu en croisant les iris verts, où la colère était facilement lisible. Tout l’être de l’homme transpirait le dédain. Est-ce que le simple refus du marché d’opium avait pu créer une telle haine envers sa personne? C’était ce qu’il paraissait en tout cas. Pourquoi devait-il y avoir eu un tel changement? L’Asiatique détourna légèrement les yeux, il n’avait rien à dire sur ce qui était vrai, mais surtout il n’appréciait pas d’entendre des mots aussi crus sortir de la bouche de son ancien ami. Un frisson parcouru l’échine du jeune homme, si les Britanniques gagnaient véritablement la guerre… il allait en souffrir c’était plus qu’évident. Il fallait qu’il se ressaisisse! Yao releva les yeux, la douceur qui les habitait habituellement avait laissé place à autre chose. C’était une légère mélancolie qui avait pris la place.

Malgré cette mélancolie qui l’habitait à présent et cette hostilité à son égard, il se devait d’être maître de lui-même. Il devait faire face à la situation avec le plus de diplomatie possible. Ce qu’il aurait dû faire bien avant… D’avoir détruit plusieurs cargaisons d’opium sans réfléchir le mettait maintenant dans un énorme pétrin. À ce moment-là, c’est vrai qu’il avait cru que c’était le seul moyen de faire comprendre à ses voisins anglais qu’il était hors de question qu’il y ait un commerce de drogue chez lui. Mais le message n’avait pas très bien passé, et ils étaient maintenant dans un conflit qui se terminerait inévitablement par la défaite de l’une ou l’autre des oppositions.

« Je sais que ce n’est pas le meilleur moment… mais voudriez-vous partager avec moi un peu de thé, aru? »

Ce changement du sujet le rendait plus aise, il fallait dire que les émeraudes qui le fixaient avaient commencé à sérieusement l’indisposer. Et il n’avait trouvé que cette proposition qui pouvait être très mal prise, pour se sentir un peu mieux. Et puis, si Kirkland acceptait, il y aurait un petit répit… du moins, il l’espérait. Il pourrait également lui donner de quoi se changer le temps que ses vêtements soient secs. Chigoku ne voyait pas trop le grand Arthur Kirkland avec un rhume.

Yao se leva et prit la main du blond ne lui laissant pas le temps de répondre. Il recommençait à sourire, mais pas avec une grande conviction. D’un pas rapide, mais tout de même mesuré, il se dirigea vers la petite chaumière qu’il habitait lors de ses séjours à Canton. Elle était un peu en retrait de la ville et la forêt l’entourait. C’était un bon endroit pour se reposer, et puis aucun invité indésirable n’arrivait à la trouver. Il fit bien attention à ce que personne ne les suive et prit la peine de perdre complètement le Britannique. S’il essayait de retrouver cet endroit, il aurait un peu de difficulté.

Un pas de plus, et la végétation laissaient place à une clairière. Un étang prenait place devant la petite maison, et un pont y permettait l’accès. Des fleurs sauvages entouraient la demeure, quelques pandas étaient installés près de l’eau, la vue était simplement magnifique, du moins du point de vue du chinois. Il s’avança vers le pont et lâcha la main de son invité. Le jeune homme disparut à l’intérieur de la maison, mais revint avec une petite table. Il la posa sur le perron, et recommença son manège deux fois. Il revint la première fois avec deux tasses, puis la deuxième fois avec une théière d’où s’échappait une douce fumée. Zhonghuá coula la boisson chaude, et invita l’anglais à s’installer.

« Prenez place, je reviens. »

Yao retourna à l’intérieur, pour aller chercher des vêtements ainsi qu’une couverture. Il revint rapidement et tendit le tout à Arthur.

« Si vous voulez vous changer à l’intérieur…»

Un sourire gêné apparut sur ses lèvres, il ne pensait pas vraiment que l’homme blond se changerait à l’extérieur, alors il se trouvait un peu stupide d’avoir dit cela.

En attente d’une réponse à ses impérieuses menaces, la fureur d’Angleterre s’altérait tandis qu’il scrutait Chine d’un air indéfinissable. Elle qui, jusqu’ici, avait semblé se propager dans son corps tout entier, sorte de haine liquide mêlée à son sang, avec une aisance qui lui avait fait perdre son flegme coutumier, semblait se glacer dans ses veines. Cela la rendait sensiblement moins évidente qu’auparavant mais toujours aussi présente, ainsi l’autoproclamé gentleman attendit-il avec une glaciale patience la réplique de son interlocuteur lorsqu’il vit les fines lèvres de ce dernier s’entrouvrir.

« Je sais que ce n’est pas le meilleur moment… mais voudriez-vous partager avec moi un peu de thé, aru ? »

Ses prunelles smaragdin s’écarquillèrent à la proposition pour le moins saugrenue qu’il lui faisait, et la fureur fut oubliée au profit d’un ébahissement tel qu’il ne s’essaya pas une seule seconde à le dissimuler sous son habituel masque à la courtoise inexpressivité.
Il s’apprêta ensuite à décliner froidement l’offre, puis à tourner les talons sans plus de cérémonies et rejoindre ce qu’il demeurait de ses hommes quand l’Asiatique s’empara de sa main pour l’entraîner jusqu’à une forêt qu’il détailla du regard, toujours aussi fasciné par ce pays dont il ne cessait jamais de découvrir les merveilles – bien qu’il ne devrait pas s’y intéresser présentement, tout comme il ne devrait pas se plier au caprice aberrant de son congénère.

Il observa silencieusement le Chinois alors que celui-ci partait et revenait à plusieurs reprises, ramenant de chacun de ses allers-retours une table, puis deux tasses et une théière dont Arthur perçut sans difficulté les apaisants effluves de thé, esquissant un imperceptible sourire comme l’odeur de cette boisson qu’il affectionnait particulièrement depuis que l’autre lui en avait fait découvrir la saveur balayait furtivement son courroux.

« Prenez place, je reviens. »

Le Chinois le délaissant encore pour aller chercher il ne savait quoi, Arthur se surprit à s’exécuter sans protester, s’asseyant sur le perron et approchant une main tremblante de froid vers sa tasse qu’il amena avec un certain empressement, désireux de se réchauffer quelque peu, à ses lèvres sèches.

« Si vous voulez vous changer à l’intérieur… »

L’Anglais posa avec une gracieuse précaution sa tasse sur la petite table puis releva la tête dans le but de planter son regard aventurine dans celui, noisette, de son interlocuteur.
Il le dévisagea quelques instants, placide, avant de demander avec une douceur qu’occultait le flegme de son expression :

« Est-ce que tu as pensé, ne serait-ce qu’une fois, que ta gentillesse pourrait te perdre ? »

Sans plus de cérémonies, il prit les vêtements que lui proposait Yao et partit se changer à l’intérieur, admirant au passage cette exotique décoration qu’il avait auparavant maintes fois complimentée, en Européen subjugué par la beauté de l’Orient.
Cela, bien sûr, appartenait à cette époque aucunement lointaine où lui et Chine avaient été de bons amis, ce qui ne pouvait certainement pas se dire au jour d’aujourd’hui.
Et pourtant, Angleterre s’étonnait de vouloir profiter une dernière fois de cette paisible amitié. Sans doute pouvait-il se le permettre, une dernière fois…

Pourquoi Arthur le dévisageait-il de cette façon? Avait quelque chose de bizarre sur le visage? Apparemment non, puisque le Britannique ne parla pas de son visage. Ce qu’il lui dit, par contre, lui fit légèrement froncer les sourcils. Qu’est-ce qu’il voulait dire par là? Est-ce que vraiment sa gentillesse le perdrait? Il ne voyait pas comment. Yao suivi à peine du regard Arthur lorsque celui-ci entra pour se changer. Le jeune homme s’installa prenant doucement la tasse qui n’avait pas été touchée. Il la porta à ses lèvres et laissa la douce odeur enivrer un peu ses sens. Il ne revenait tout simplement pas que, son ancien ami lui dise un truc, de la sorte. Personne ne lui avait fait de mal pour une telle raison. Et puis, qui se faisait un plaisir de faire souffrir les bonnes gens? Le monde avait-il changé à ce point? Le chinois prit une gorgée de sa boisson, se plongeant un peu plus dans ses pensées. Devait-il arrêter d’être lui-même? Comment ferait-il ça? Il n’arrivait même pas à s’imaginer faire du mal à quelqu’un gratuitement, alors c’était mission impossible. Un soupir passa la barrière de ses lèvres. Cette question le laissait vraiment perplexe. L’Anglais avait sûrement fait exprès de lui poser cette question à ce moment bien précis… Mais il n’arrivait pas à lui en vouloir, et ce, même s’ils étaient à présent des ennemis. Toute la situation lui échappait encore.

Wang était si absorbé par ses pensées qu’il n’entendit même pas son invité revenir. Des larmes avaient pris naissance aux coins de ses yeux. Il ne pleurait pas, mais c’était tout comme. De ce petit spectacle qu’il offrait, il n’y avait rien d’attendrissant. Un homme qui pleure ce n’est pas vraiment ce qu’il y a de plus attendrissant, et surtout pas ce qui met le plus à l’aise non plus. Pour un autre homme, et surtout pour le gentleman qu’était Arthur ce devait être des plus écœurant de voir un autre homme pleurer, même si l’autre homme à l’air d’une femme. Cela n’a en fait aucune importance.

Chine pleurait, ce n’était pas un flot qui se déversait sur ses joues, mais tout de même. Et dire que cette réaction, qui pour certain est excessive, n’était que le résultat de sa propre réflexion. Il porta une main à ses yeux, et essuya les larmes qui commençaient leur course sur ses joues. C’est là qu’il se rendit compte de la présence de Kirkland. Ses joues s’empourprèrent, il se sentait tout à coup si honteux. Sa fierté venait d’en prendre un sérieux coup.

« Désolé… »

Un sourire vint finalement étirer ses lèvres. Les vêtements allaient comme un gant à Arthur, quoique ce fût toujours aussi étrange de voir un Occidental vêtu de la sorte.

« Alors… je suppose que vous allez partir une fois que vos vêtements seront secs, aru… Vous allez retourner sur le champ de bataille… »

Et voilà, il venait de mettre le pied dans un territoire dangereux. Il y laisserait probablement quelques plumes, mais c’était pour cela à la base qu’il avait emmené son ennemi à sa table. Outre le fait qu’il n’avait pas prévu pleurer, tout se déroulait plus ou moins comme prévu. Et comme ils étaient isolés de tout, rien ou presque ne pourrait venir déranger la discussion… pas même cette guerre pourtant si proche…

Après avoir plus ou moins longuement peiné à se vêtir de ces vêtements auxquels il ne demeurait que fort peu accoutumé, Angleterre rejoignit l’extérieur d’un pas placide, là où il savait qu’il retrouverait Chine.
Il se demanda si ses paroles avaient amené le susnommé à une quelconque réflexion et, si oui, à quelle conclusion il en était arrivé. Cela le convaincrait-il de se montrer plus hargneux envers celui qu’il devait à présent considérer comme son ennemi ? Le chasserait-il de sa demeure en lui lançant sa tenue mouillée à la tête et vociférant des injures en cette langue dont ile connaissait que quelques expressions basiques ? Certainement pas. Pour le peu qu’il pouvait se targuer de le connaître, il savait pertinemment que même empli d’une haine indicible, l’Asiatique n’était pas de ceux qui en perdaient leurs manières.
Tant mieux pour lui, par ailleurs, puisqu’une telle situation s’avèrerait particulièrement embarrassante pour lui qui se trouvait présentement en position de faiblesse.

Lorsqu’il arriva à proximité de l’hôte, il ne fut pas accablé d’insultes, comme il l’avait brièvement imaginé, et encore moins accueilli par l’un de ces sourires à l’admirable sérénité dont seul lui possédait le secret.
Celui qui était, quelques mois auparavant, son ami, celui qu’il affrontait aujourd’hui pour des raisons économique qui devaient assurément lui paraître futiles pleurait présentement.
Partagé entre l’affection qui lui restait de leur amitié encore récente et le ressentiment né de la résistance que Yao opposait à son commerce, ainsi qu’abasourdi par cette faiblesse qu’il ne lui avait jamais connue jusqu’ici, lui qu’une perpétuelle quiétude avait rendu émotionnellement intouchable à ses yeux ; le Britannique ne put que le fixer silencieusement, attendant qu’il avisât sa présence.
Plus que tout impitoyable conquérant, avide de pouvoir, il ne put s’empêcher de penser que si la Chine s’avérait aussi faible face à son armée que présentement, le commerce de l’opium ne tarderait aucunement à se rétablir dans ce pays dont la population avait, de toute manière, été irréversiblement gangrenée par la drogue.

Il surprit inopinément le regard penaud, rougi par les larmes, de l’homme sur lui. Ainsi venait-il enfin de le remarquer.
Devant son embarras flagrant, Angleterre retint à grand’ peine un sourire gouailleur, dans un élan de bonté que lui-même ne s’expliquait pas, et s’assit plutôt à ses côtés sans un mot, hochant seulement la tête de façon succincte lorsque son congénère s’excusa de cette démonstration de faiblesse.
Il prenait une gorgée de son thé, dont la tiédeur n’altérait en rien la remarquable saveur, quand le Chinois aborda le sujet de cette guerre qui commençait tout juste.

« Bien évidemment, répondit-il d’un ton sec après quelques instants. Je suis venu pour défendre mes intérêts, après tout. En tant que gentleman, je te souhaite d’ailleurs bonne chance pour défendre les tiens car, comme je te l’ai dit, cette guerre, nous allons la gagner, ajouta t-il d’un ton gausseur auquel un certain agacement, reste d’une rage apaisée, donnait une dimension presque menaçante. »

Sur ces mots, il porta de nouveau la tasse de thé à ses lèvres et la vida d’une traite placide, puis, toujours aussi tranquille malgré ces précédentes paroles, il se tourna vers Yao et lui demanda, un sourire dont la courtoisie était si factice qu’elle en devenait écœurante :

« Suis-je en droit de demander encore un peu de thé ? »

Spoiler: